Génétique et comportement hygiénique chez l'abeille

Décrit pour la première fois en 1937 chez l’abeille, le comportement hygiénique consiste à repérer les larves malades ou mortes et à les éliminer de la ruche. Ce mécanisme de défense collectif qui protège la colonie contre les infections et les parasites semble lié aux capacités olfactives des nourrices, les jeunes abeilles qui veillent sur le couvain. Le comportement hygiénique serait sous l’emprise de la génétique, mais les conclusions des études consacrées au sujet divergent sur le nombre de gènes en cause.

Dès leur naissance et jusqu’à l’âge de 30 à 50 jours les abeilles sont des nettoyeuses. Elles préparent les cellules pour qu’elles puissent ensuite accueillir la nourriture ou recevoir les œufs. Il faut en moyenne 40 minutes à entre 15 et 30 abeilles pour nettoyer entièrement une cellule. D’abord, elles retirent les déchets que contiennent les cellules : morceaux de cire, grains de pollen, membre de corps d’abeilles, les restes de nymphes écloses. Puis, elles lèchent et lustrent le fond des cellules.

Pour jeter un nouvel éclairage sur la question, les chercheurs de l’Université Laval ont comparé l’expression des gènes dans le cerveau d’abeilles provenant de ruches exprimant fortement le comportement hygiénique – plus de 90% des larves mortes sont enlevées en moins de 24 heures – et chez des abeilles provenant de ruches non hygiéniques – moins de 50% des larves mortes sont éliminées pendant la même période.
Les chercheurs ont mesuré les ARN exprimés dans le cerveau de 75 abeilles provenant de trois ruches hygiéniques et de 125 abeilles provenant de cinq ruches non hygiéniques. Sur les quelque 10 000 gènes exprimés, seulement 96 sont exprimés à des niveaux significativement différents dans les deux groupes.
Fait intéressant, six des gènes surexprimés chez les abeilles non hygiéniques étaient liés directement ou indirectement aux cytochromes P450, des protéines qui interviennent dans la dégradation de polluants, d’insecticides ou d’hormones. «Ces enzymes seraient aussi associées à la dégradation des composés odorants, souligne Nicolas Derome. Les abeilles non hygiéniques qui surexpriment P450 dégraderaient davantage les composés chimiques qui se dégagent des larves malades ou mortes, ce qui réduirait leur capacité de les détecter et de les éliminer.»
Cette recherche apporte un nouvel éclairage sur les fondements génétiques du comportement hygiénique, mais elle a aussi une portée pratique. En effet, les gènes qui distinguent les deux groupes constituent des cibles potentielles pour les programmes d’amélioration génétique visant à produire des lignées d’abeilles très hygiéniques, bien équipées pour se défendre contre les parasites et les infections.

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